Des Bols et des Fêlures
Il n’est pas rare de se sentir désespérément et définitivement brisé par la vie et ses aléas. Il n’est pas rare d’imaginer que quelque chose en nous cloche, que nous ne sommes pas comme les autres, que nous sommes imparfaits, incomplets, impardonnables, inaptes (ou autres noms d’oiseaux, insérez ici les « vôtres », nous sommes des spécialistes quand il s’agit de nous même) …
Il n’est pas rare de nous sentir cassés et que rien ni personne ne pourra jamais nous réparer.
Quand nous traversons ces moments là, il est bon de se rappeller le Kintsugi* (aussi appelé Kintsukuroi).
Le Kintsugi est une méthode japonaise de réparation des céramiques brisées, avec une laque spéciale mélangée avec de l’or (ou de l’argent). La réparation est ainsi visiblement intégrée dans la nouvelle pièce, au lieu de la déguiser. Le Kintsugi est un art difficile qui requiert du temps, de la minutie et de la persévérance, mais le résultat se traduit généralement par quelque chose de plus beau que l’objet original.
Le Kintsugi serait apparu à la fin du XVe siècle, et aujourd’hui, les collectionneurs se sont à ce point épris de cet art que les pièces réparées avec des « coutures d’or » ont atteint une valeur monétaire considérable et sont très recherchées.
Nous avons tous des fêlures et des cassures. Nous sommes tous imparfaits. Nous avons tous des défauts. Et nous avons tous, à moment donné ou un autre de notre vie, imaginé être « irréparable », « impardonnables » « indignes d’être aimé », « indignes d’avoir une place ».
Le Kintsugi nous apprend que nos blessures mentales, physiques ou métaphoriques peuvent être réparées, visibles et, qu’acceptées, ces cicatrices nous rendent de plus belles et plus riches personnes.
Un artiste connu (et moine bouddhiste pour ceux qui ne le savaient pas), Léonard Cohen, nous parle aussi des fêlures et des cassures de la Vie dans une très belle chanson, Anthem* :
Ring the bells that still can ring,
Forget your perfect offering,
There is a crack in everything,
That’s how the light gets in.
La prochaine fois que la voix de votre auto-critique vous visite et vous malmène, respirez et imaginez-vous que vous êtes un très, très ancien et très, très beau bol en céramique aux « coutures d’or » …