Comprendre la dépression

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Chaque année, la dépression touche 1 personne sur 15, soit 7,5 % de la population[2]. La dépression est un des troubles psychiatriques les plus fréquents qui deviendra en 2020, selon l’OMS, la deuxième cause d’invalidité à travers le monde, après les troubles cardio-vasculaires[3].

La dépression est une maladie qui se caractérise par une humeur triste persistante, par une perte d’espoir et une impuissance généralisées ainsi que par une perte d’intérêt et de plaisir dans presque toutes les activités. Dans certains cas sévères, la dépression s’accompagne de pensées récurrentes, parfois obsédantes, sur la mort, et des idées suicidaires avec ou sans passage à l’acte. On estime à 1 million par an par le nombre de décès par suicide dans le monde[1].

La dépression peut survenir à tout âge, depuis l’enfance jusqu’au troisième âge. Elle apparaît le plus souvent pour la première fois chez l’adolescent et le jeune adulte. Les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes.

La dépression est une maladie récurrente avec 50 % de chances de rechuter à 1 an et 85 % de chances sur toute la vie. Chaque patient est amené à souffrir en moyenne de 5 à 6 épisodes[4].

Les causes de la dépression

On ne sait pas encore exactement ce qui cause la dépression. Il semblerait que des facteurs héréditaires, biologiques et environnementaux soient à l’origine de cette maladie :

  • Facteurs héréditaires : bien que l’on n’ait pas identifié de « gène de la dépression » à proprement parler, on sait que les antécédents dans la famille sont des facteurs de risques.
  • Facteurs biologiques : la personne dépressive souffre d’un déficit ou d’un déséquilibre de certains neurotransmetteurs dans le cerveau, notamment la sérotonine. Certaines dérégulations hormonales, survenant dans l’hypothyroïdie et la ménopause par exemple, contribuent aussi à l’apparition d’une dépression.
  • Facteurs environnementaux : les événement de vie négatifs (divorce, décès ou perte d’un proche, perte d’un emploi, …), les mauvaises habitudes de vie (tabagisme, peu d’exercice physique, télévision, internet) et les conditions de vie difficiles (conditions économiques difficiles, isolement social, stress …) sont autant de facteurs environnementaux qui peuvent contribuer à la dépression. Les abus et traumas de l’enfance fragilisent à la dépression une fois adulte.

Les différents types de dépressions[5]

Il existe plusieurs formes de dépressions :

Le trouble dépressif majeur consiste en un épisode dépressif qui tranche avec le fonctionnement habituel de la personne. Il se caractérise par une humeur dépressive et/ou une perte d’intérêt pendant au moins deux semaines, associées à d’autres symptômes de dépression : perte ou prise de poids, diminution ou augmentation de l’appétit, insomnie ou hypersomnie, agitation ou ralentissement psychomoteur, fatigue et perte d’énergie, sentiment d’inutilité, difficultés de concentration, indécision, pensées autour de la mort, idées suicidaires avec ou sans passage à l’acte. Des symptômes d’anxiété excessive peuvent se surajouter aux symptômes de la dépression majeure. On parle alors de dépression « à composante anxieuse ».

Le trouble dépressif persistant (anciennement dysthymie) est une forme de dépression chronique et d’intensité moindre que la dépression majeure. Il s’agit d’une « petite » dépression persistante (2 ans ou plus). La dysthymie peut précéder un épisode dépressif majeur.

La dépression saisonnière, ou « trouble affectif saisonnier », est une dépression liée au manque de lumière naturelle qui survient au même moment chaque année, en automne ou en hiver, pendant au moins 2 années consécutives, et qui dure jusqu’au printemps suivant. Plus on s’éloigne de l’équateur, plus le nombre de gens atteints de dépression saisonnière augmente, car le nombre d’heures d’ensoleillement fluctue davantage au cours de l’année.

Le trouble de dérégulation dit de l’humeur explosive se caractérise par des crises de colère sévères, récurrentes (trois fois ou plus par semaine), hors de proportion avec l’événement qui les déclenche et ne correspondant pas au niveau développemental de la personne. Entre ces crises, on observe une humeur irritable persistante.

Le trouble dysphorique prémenstruel se caractérise par les symptôme suivants : instabilité de l’humeur, irritabilité́, colère, sentiment d’impuissance, autodépréciation, humeur dépressive, anxiété́, tension, perte d’intérêt, difficulté de concentration, fatigue, perte d’énergie, sommeil et appétit perturbés, sensation de perte de contrôle, symptômes physiques (seins sensibles et gonflés, gonflement du bas ventre, prise de poids). Le trouble dysphorique prémenstruel survient la semaine avant les règles, s’améliore pendant les règles et disparait la semaine suivant les règles

La dépression post-partum ou trouble dépressif majeur péripartum est une dépression qui apparaît pendant la grossesse ou dans les 4 semaines suivant l’accouchement. La dépression post-partum est souvent accompagnée d’anxiété sévère et même d’attaques de panique. Elle peut prendre un aspect psychotique avec un risque accru d’infanticide durant ces épisodes.

Dans le langage courant, le terme « dépression » est souvent utilisé à tors et à travers si bien que ce dernier est banalisé à l’extrême. On confond souvent la dépression et les coups de blues ou baisses passagères du tonus, ces inévitables périodes de tristesse, d’ennui et de mélancolie que nous sommes tous appelés à vivre à un moment ou à un autre. La dépression est en fait une véritable maladie chronique, qui répond à des critères diagnostiques bien précis. Dans la dépression, les symptômes persistent des semaines ou des mois durant et dégradent fortement la qualité de vie de la personne qui en souffre en l’empêchant de fonctionner « normalement » (aller travailler, s’occuper de ses proches, de son intérieur, relations sociales …).

Soigner la dépression

Psychothérapie

Entreprendre une psychothérapie aide souvent à comprendre sa dépression et à agir sur les facteurs psychologiques et sociaux qui l’ont déclenchée. Une psychothérapie permet aussi de développer des compétences de gestion des émotions et des ruminations au quotidien, permettant ainsi de mieux réagir aux épreuves futures et de prévenir une rechute dépressive.

Il existe plusieurs approches psychothérapeutiques. Chacune étant mieux indiquée par type de problème. Selon la recherche, la thérapie cognitive et comportementale (ou thérapie cognitivo-comportementale) est l’une des méthodes les plus efficaces pour traiter la dépression. La thérapie basée sur la pleine conscience (« mindfulness ») est une approche récente qui permet de prévenir les rechutes dépressives.

La thérapie cognitivo-comportementale vise à changer les comportements et les pensées dysfonctionnelles – ou le rapport aux pensées dysfonctionnelles, pour les thérapies de troisième génération, comme la thérapie d’acceptation et d’engagement – qui accompagnent la dépression. En effet, la dépression amène souvent une distorsion de ce que la personne pense d’elle-même, de ses relations avec les autres et de son rapport avec le monde en général.

Dans la psychothérapie interpersonnelle, l’hypothèse de départ est que la majorité des personnes déprimées ont des relations interpersonnelles perturbées et que si l’on peut résoudre ces difficultés, on peut aussi stabiliser les symptômes de dépression.

Le thérapeute tentera par exemple d’améliorer le rapport de la personne avec le chagrin ou le deuil, l’adaptation à un nouveau rôle, les tensions interpersonnelles comme les conflits au travail, les déficits interpersonnels tel un manque d’habiletés de communication, etc.

 Médicaments antidépresseurs

Les psychotropes sont des médicaments qui, par leur action sur le système nerveux central, modifient la chimie du cerveau.

Les antidépresseurs sont un type particulier de médicament psychotrope ayant pour fonction de traiter la dépression. Les antidépresseurs améliorent l’humeur des personnes dépressives en corrigeant certains déséquilibres au niveau des neurotransmetteurs cérébraux. Il existe différent types d’antidépresseurs selon le type d’action sur le cerveau (antidépresseur tricycliques, inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine, inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline). Chaque type d’antidépresseur a ses avantages et ses inconvénients et il est important de discuter de ceci avec votre psychiatre traitant.

Sachez qu’il est difficile, même pour le psychiatre le plus expérimenté, de trouver immédiatement le médicament à l’effet thérapeutique optimal. Il est parfois nécessaire de passer par plusieurs produits et ce processus peut durer plusieurs semaines ou plusieurs mois.

Exercice physique

Il semblerait que l’exercice physique – 30 minutes par jour, 3 à 5 jours par semaine – contribue à alléger les symptômes de la dépression, à court terme, en induisant des changement métaboliques qui améliorent le fonctionnement du cerveau : augmentation des substances chargées de la « bonne humeur » et restimulation de certains systèmes. Le sport permettrait aussi d’éviter les rechutes dépressives. Attention néanmoins, le sport ne peut se substituer à un traitement médical de la dépression : il est toujours un complément de celui-ci[7]

De même, le yoga[8] améliorerait l’humeur et serait une méthode efficace en complément du traitement classique de la dépression.

Mais, la qualité des études sur le sujet est insuffisante pour tirer une conclusion définitive. Il faudra donc attendre de nouvelles recherches plus poussées sur le sujet.

Efficacité des traitements

Efficacité des traitements

Les antidépresseurs « nouvelle génération » seraient plus efficaces qu’un placebo chez environ 75 % des patients souffrant de dépression[9].

La recherche montre également que les thérapies cognitivo-comportementales sont efficaces dans le traitement de la dépression[10]. Il en est de même pour les psychothérapies cognitivo-comportementales dites de la troisième vague (ACT, pleine conscience, activation comportementale)[11].

Les traitements combinés (antidépresseur et psychothérapie cogitivo-comportementale) donnent également de très bons résultats, souvent supérieurs aux traitements isolés[12].

De manière générale, la psychothérapie donne de bons résultats dans les cas de dépression légère. Les dépressions modérées à sévères s’améliorent avec les antidépresseurs. Mais ce sont généralement les traitements combinés qui sont les plus efficaces : les médicaments réduisent rapidement les symptômes et la thérapie permet de découvrir de nouvelles avenues pour faire face aux stress de la vie.

Références

[1] Organisation mondiale de la Santé. Mental Health – Depression, OMS. www.who.int.

[2] Beck F., Guignard R., 2012, La dépression en France : évolution de la prévalence, du recours au soin et du sentiment d’information de la population par rapport à 2005, La Santé de l’homme, Inpes, n°421, 7-9.

[3] Organisation mondiale de la Santé. Mental Health – Depression, OMS. www.who.int.

[4] Boland & Keller, 2009

[5] American Psychiatric Association (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders : 5th edition.

[6] Antidepressant drug effects and depression severity: a patient-level meta-analysis. Fournier JC, DeRubeis RJ, et al. JAMA. 2010 Jan 6;303(1):47-53.

[7] Dunn et al. 2005, Chalder et al. 2012, Martinsen et al (in press), Exercise for depression. Mead GE, Morley W, et al. Cochrane Database Syst Rev. 2009 Jul 8;(3):CD004366.

[8] Hatha yoga for depression: critical review of the evidence for efficacy, plausible mechanisms of action, and directions for future research. Uebelacker LA, Epstein-Lubow G, et al. J Psychiatr Pract. 2010 Jan;16(1):22-33. Review.

Lavey R, Sherman T, et al. The effects of yoga on mood in psychiatric inpatients. Psychiatr Rehabil J 2005 Spring;28(4):399-402.
60. Jeong YJ, Hong SC, et al.

[9] Gueorguieva, R.; Mallinckrodt, C. ; Krystal, J.H. (2011). Trajectories of Depression Severity in Clinical Trials of Duloxetine : Insights Into Antidepressant and Placebo Responses. Archives of general Psychiatry, 68(12):1227-1237.

[10] Driessen, Ellen; Hollon, Steven D. (2010). « Cognitive Behavioral Therapy for Mood Disorders: Efficacy, Moderators and Mediators ». Psychiatric Clinics of North America 33 (3): 537–55.

[11] Hayes, S.C. (2008). ACT State if the evidence. Contextualpsychology.org.

Hofmann, S. G., Sawyer, A.T., Witt, A.A., & OH, D. (2010). The Effect of Mindfulness-Based Therapy on Anxiety and Depression: A Meta-Analytic Review. Journal of consulting and clinical psychology, 8(2), 169-183.

[12] Chan EK-H (2006. Efficacy of cognitive-behavioral, pharmacological, and combined treatments of depression: A meta-analysis. Calgary: University of Calgary, 2006.

Le tableau illustrant ce post est : Au seuil de l’éternité (1890), de Vincent van Gogh

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